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II


Le plus difficile pour le professeur comme pour l’élève, c’est le commentaire. Et c’est ici que, pour nous rendre vraiment utile, nous devons entrer dans le détail.

Ce commentaire oral du Roland devrait, à notre sens, offrir un triple caractère et être à la fois LITTÉRAIRE, HISTORIQUE, ARCHÉOLOGIQUE.


LITTÉRAIRE. Le professeur de seconde (c’est à cette classe que le Roland vient d’être officiellement destiné) connaît à fond son antiquité grecque et latine, et ne manquera pas de comparer le texte du poème français avec celui d’Homère et de Virgile. Il montrera aisément que la supériorité de la forme appartient aux modèles antiques, mais se fera sans doute un devoir d’ajouter que les plus grands génies du vieux monde n’ont pas surpassé notre vieux poète en tout ce qui touche à l’élévation de la pensée et à la beauté des âmes.

HISTORIQUE. Le professeur n’oubliera point que, si le Roland a été introduit dans les études classiques, c’est principalement pour donner aux jeunes gens la notion de la vieille France et pour leur en inspirer l’amour. Comme le disait récemment un critique allemand, « l’avenir même de la France ne peut être sûr et heureux que si l’on relève et fortifie la conscience nationale, en faisant le plus possible de l’ancienne langue et de l’ancienne littérature le lien commun de tous les esprits cultivés. » Et ce même érudit ajoutait, pour nous encourager dans ces études : « Que les Français considèrent combien, en Allemagne, l’étude de l’ancienne langue et de l’ancienne littérature germaniques a contribué à entretenir et à fortifier la conscience nationale. » En se plaçant à ce point de vue, il y a à tirer de la Chanson de Roland cent conclusions nouvelles sur la société française des XIe et XIIe siècles, sur la royauté féodale, sur la chevalerie, sur les idées religieuses et morales de nos pères. Même on pourra remonter jusqu’au Charlemagne de l’histoire, que l’on démêlera soigneusement de celui de la légende, et que l’on n’aura pas de peine à faire mieux connaître et plus admirer.

ARCHÉOLOGIQUE. Ce mot est peut-être prétentieux, et nous voulons seulement exprimer le vœu que le professeur fort élémentairement, puisse expliquer les costumes, les armes, les monuments figurés de l’époque chevaleresque, et en faire passer des représentations exactes sous les yeux de son jeune auditoire. Notre édition lui fournit tous ces éléments.