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XXXIX


Ganelon s’est approché du Roi :
« Vous vous emportez à tort, » lui a-t-il dit.
470« Celui qui tient la France, Charlemagne vous mande
« Que vous ayez à recevoir la loi chrétienne,
« Et il vous donnera en fief la moitié de l’Espagne.
« Quant à l’autre moitié, elle est pour son neveu Roland.
« (L’orgueilleux compagnon que vous aurez là !)
475« Si vous ne voulez accepter cet accord,
« Charles viendra vous assiéger dans Saragosse.
« Vous serez pris, vous serez garrotté de force,
« Et mené droit à Aix, siège de l’Empire.
« Pour vous pas de destrier ni de palefroi ;
480« Pas de mulet ni de mule où l’on vous laisse chevaucher.
« On vous jettera sur un méchant cheval de charge ;
« Et un jugement vous condamnera à perdre la tête.
« Voici la lettre que vous envoie notre Empereur. »
Il la remet au païen, dans le poing droit.Aoi.


XL


485Marsile était savant, était Lettré ;
Et avait été aux écoles de la loi païenne. ■
Il brise le sceau, il en faitcheair la cire,
Jette un regard sur la lettre et voit tout, ce qui y est écrit :
Il pleure des yeux, tire sa barbe blanche,
Se lève, et, d’une voix retentissante :
« Écoutez, seigneurs, quelle folie.
« Celui qui a la France en son pouvoir, Charles, me mande
« De me souvenir de la colère et de la grande douleur ;
490« C’est-à-dire.’de Basàn et de son frère-Basile,
« Dont j’ai pris les têtes aux monts de Haltoïe.
« Si je veux racheter la vie de mon corps,
« Il me faut lui envoyer le Calife, mon oncle.
« Autrement il ne m’aimera plus. »
Pas un païen n’ose dire un seul mot,
495El seul, après Marsile, son fils prend la parole :