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XXXVII


Le roi Marsile a changé de couleur
El brandit dans sa main le bois de la flèche.
Ganelon le voit, met la main à son épée,
Et en tire du fourreau la longueur de deux doigts :
445« Épée, » lui dit-il, « vous êtes claire et belle.
« Tant que je vous porterai à la cour de ce roi,
« L’Empereur de France ne dira pas
« Que je serai mort tout seul au pays étranger.
« Mais, avant ma mort, les meilleurs vous auront payée de leur sang.
450« — Défaisons la mêlée, » s’écrient les Sarrasins.Aoi.


XXXVIII


Les meilleurs des païens ont tant prié Marsile,
Que sur son trône il s’est enfin rassis.
Et le Calife : « Vous nous mettiez, » dit-il, « en vilain cas,
« Quand vous vouliez frapper le Français.
455« Il fallait l’écouter et l’entendre.
« — Sire, » dit Ganelon, « je veux bien souffrir cet affront :
« Mais onques je ne consentirais, pour tout l’or que Dieu fit,
« Ni pour tous les trésors qui sont en ce pays,
« À ne pas dire, si l’on m’en laisse le loisir,
460« Le message que Charles, le roi très puissant,
« Vous mande à vous, son ennemi mortel. »
Ganelon était vêtu d’un manteau de zibeline ;
Couvert de soie d’Alexandrie.
Il le jette à terre, et Blancandrin le reçoit ;
465Mais, quant à.son épée, point ne la veut quitter :
En son poing droite la tient par le pommeau d’or.
« Voilà, » disent les païens, « voilà un’ noble baron ! »Aoi.

est creux et sert de reliquaire. = Voir notre Éclaircissement III, sur le costume de guerre, et les figures ci-contre, d’après cinq sceaux dés XIe-XIIe siècles.