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aventures du baron de münchhausen.

on a donné le nom de mangeurs de bœufs. Elle-même n’y résista pas plus de sept ans et demi, au bout desquels elle mourut d’inanition.

Mon père, duquel j’héritai la fronde peu de temps avant mon départ pour Gibraltar, me raconta l’anecdote suivante, que ses amis lui ont souvent entendu rapporter, et dont personne de ceux qui ont connu le digne vieillard ne révoquera la véracité.

« Dans l’un des nombreux séjours que je fis en Angleterre, me disait-il, je me promenais une fois sur le bord de la mer non loin de Harwick. Tout d’un coup voilà un cheval marin qui s’élance furieux contre moi. Je n’avais pour toute arme que ma fronde, avec laquelle je lui envoyai deux galets si adroitement lancés que je lui crevai les deux yeux. Je lui sautai alors sur le dos et le dirigeai vers la mer : car, en perdant les yeux, il avait perdu toute sa férocité, et se laissait mener comme un mouton. Je lui passai ma fronde dans la bouche en guise de bride, et le poussai au large.

« En moins de trois heures nous eûmes atteint le rivage opposé : nous avions fait trente milles dans ce court espace de temps. À Helvoetsluys je vendis ma monture moyennant sept cents ducats à l’hôte des Trois Coupes, qui montra cette bête extraordinaire pour de l’argent et s’en fit un joli revenu. — On peut en voir la description dans Buffon. — Mais si singulière