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aventures du baron de münchhausen.

je fus le premier à donner l’alarme. Comme vous pouvez le penser, le camp se trouva saisi d’épouvante ; on supposa, pour expliquer ce désastre, que les gens de la forteresse avaient fait une sortie, tué les sentinelles, et étaient parvenus à détruire l’artillerie.

M. Drinkwater, dans la relation qu’il a faite de ce siége célèbre, parle bien d’une grande perte éprouvée par l’ennemi à la suite d’un incendie, mais il n’a pas su à quoi en attribuer la cause : cela, du reste, ne lui était guère possible, car — bien que j’aie, à moi tout seul, dans cette nuit, sauvé Gibraltar — je n’ai mis personne dans ma confidence, pas même le général Elliot. Le comte d’Artois, pris d’une panique, s’enfuit avec tous ses gens, et, sans s’arrêter en route, arriva d’une traite à Paris. La terreur que leur avait inspirée ce désastre fut telle, qu’ils ne purent manger de trois mois, et vécurent simplement de l’air du temps, à la façon des caméléons.

Environ deux mois après que j’eus rendu cet éclatant service aux assiégés, je me trouvais à déjeuner avec le général Elliot, quand tout à coup une bombe — je n’avais pas eu le temps d’envoyer les mortiers de l’ennemi rejoindre ses canons — pénétra dans la chambre et tomba sur la table. Le général fit ce qu’aurait fait tout le monde en pareil cas, il sortit immédiatement de la salle. Moi, je saisis la bombe avant qu’elle n’éclatât,