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aventures du baron de münchhausen.

Dieu sait où nous serions allés, si par bonheur le câble de notre ancre ne se fût rompu, de sorte que la baleine perdit notre vaisseau, et que nous, nous perdîmes notre ancre. Lorsque, plusieurs mois après, nous revînmes en Europe, nous retrouvâmes la même baleine presque à la même place : elle flottait morte, sur l’eau, et mesurait près d’un demi-mille de long. Nous ne pouvions prendre à bord qu’une petite partie de cette formidable bête : nous mîmes donc nos canots à la mer, et nous détachâmes à grand’peine la tête de la baleine : nous eûmes la satisfaction d’y retrouver non-seulement notre ancre, mais encore quarante toises de câble qui s’étaient logées dans une dent creuse, placée à la gauche de sa mâchoire inférieure.

Ce fut l’unique événement intéressant qui marqua notre retour. — Mais non ! j’en oubliais un qui faillit nous être fatal à tous. Lorsque, à notre premier voyage, nous fûmes entraînés par la baleine, notre vaisseau prit une voie d’eau si large que toutes nos pompes n’eussent pu nous empêcher de couler bas en une demi-heure. Heureusement j’avais été le premier à m’apercevoir de l’accident : le trou mesurait au moins un pied de diamètre. J’essayai de le boucher par tous les moyens connus, mais en vain : enfin je parvins à sauver ce beau vaisseau et son nombreux équipage par la plus heureuse imagination du monde. Sans prendre le temps de retirer mes culottes,