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Le fait est que voilà deux semaines que l’on n’a vu Musidora.

Sa maison a l’air inhabitée et morte ; les jalousies sont fermées soigneusement. On ne voit entrer ni sortir personne ; c’est à peine si un valet à mine contrite et discrète se glisse sur la pointe du pied par la porte entre-bâillée et refermée aussitôt. ― Le soir, les fenêtres, ordinairement si flamboyantes, ne s’allument plus au feu des lustres et des bougies ; une pâle étoile de lumière, assoupie par l’épaisseur des rideaux, tremblote tristement au coin d’un carreau : c’est le seul signe de vie que l’on puisse surprendre sur la face noire de la maison.

Enfin George, ennuyé de l’absence de sa favorite, se dit un beau soir en sortant de l’Opéra : « Pardieu, il faut absolument que je sache ce que devient la Musidora. ― Je consens à me faire voir au bois de Boulogne sur un cheval de louage, à porter des bottes cirées à l’œuf, à toutes les choses les plus humiliantes, si je ne parviens pas à forcer la consigne. »

George se dirigea vers la maison de Musidora.

Le concierge, qui avait reçu les ordres les plus formels de ne laisser monter personne, voulut s’opposer au passage de George.

« Ah çà ! drôle, fit George, en lui appliquant sur la figure une charmante petite canne en corne de rhinocéros, est-ce que tu me prends pour M. le