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rendaient de la flamme par le nez comme des dragons fabuleux.

« Musidora, dit Arabelle, ordonne à ton groom de faire approcher un de ces coquins basanés ; il en saura peut-être plus sur l’indostani que les professeurs du Collège de France. »

Un des jongleurs, sur l’injonction du groom, s’approcha de la voiture en faisant la roue sur les pieds et sur les mains.

« Drôle, dit Arabelle, un louis pour toi si tu lis ce papier, qui est écrit en indostani.

― Madame, excusez-moi, je suis Normand, Indien de mon métier, et je n’ai jamais su lire en aucune langue.

― Va-t’en au diable, » dit Musidora en lui jetant cinq francs.

L’Indien de contrebande la remercia, en faisant un magnifique saut périlleux, et fut rejoindre ses compagnons frottés de jus de réglisse.

La voiture prit le chemin du boulevard.

À la porte d’un bazar, un jeune homme avec une figure jaune d’or, des yeux épanouis au milieu de sa pâleur comme de mystérieuses fleurs noires, le nez courbé, les cheveux plats et bleuâtres, tous les signes de race asiatique, était assis mélancoliquement derrière une petite table chargée de deux ou trois livres de dattes, d’une demi-douzaine de cocos et d’une paire de balances.

Il était impossible de voir rien de plus triste et de plus évidemment frappé de nostalgie que