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Vous savez, mesdames, qu’il y a quarante mille signes dans l’alphabet chinois correspondant chacun à un mot : quoique j’aie travaillé toute ma vie, je ne connais encore que les vingt premiers mille. Il faut quarante ans à un naturel du pays pour apprendre à lire. Sans doute les idées contenues dans cette lettre sont exprimées avec des signes que je n’ai pas encore appris et qui appartiennent aux vingt derniers mille. ― Quant à l’autre papier, c’est de l’indostani. M. C*** vous traduira cela au courant de la plume.

Musidora et sa compagne se retirèrent très désappointées. Leur visite chez M. C*** fut aussi inutile, par l’excellente raison que M. C*** n’avait jamais su d’autre langue que la langue eskuara, ou patois basque, qu’il enseignait à un Allemand naïf, seul élève de son cours.

M. V*** n’avait de chinois qu’un paravent et deux tasses ; mais en revanche il parlait très couramment le bas-breton et réussissait dans l’éducation des poissons rouges.

Ces deux messieurs étaient du reste deux très honnêtes gens qui avaient eu la précieuse idée d’inventer une langue pour la professer aux frais du gouvernement.

En passant sur une place, Arabelle vit des jongleurs indiens qui faisaient des tours sur un méchant tapis. Ils jetaient en l’air des boules de cuivre, avalaient des lames de sabre de trente pouces de longueur, mâchaient de la filasse et