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je voudrais l’enchâsser dans mon diadème, l’offrir librement à tous les regards, à la pure lumière du soleil, me parer de son éclat et sourire d’orgueil en entendant dire : « Jamais roi d’Assyrie ou de Babylone, jamais tyran grec ou trinacrien n’a possédé une perle d’un aussi bel orient que Candaule, fils de Myrsus et descendant d’Héraclès, roi de Sardes et de Lydie ! À côté de Candaule, Midas, qui changeait tout en or, n’est qu’un mendiant aussi pauvre qu’Irus. »

Gygès écoutait avec étonnement les discours de Candaule et cherchait à pénétrer le sens caché de ces divagations lyriques. Le roi semblait être dans un état d’excitation extraordinaire : ses yeux étincelaient d’enthousiasme, une teinte d’un rose fébrile couvrait ses joues, ses narines enflées aspiraient l’air fortement.

« Eh bien ! Gygès, continua Candaule sans paraître remarquer l’air inquiet de son favori, je suis ce plongeur. Dans ce sombre océan humain où s’agitent confusément tant d’êtres manqués et mal venus, tant de formes incomplètes ou dégradées, tant de types d’une laideur bestiale, ébauches malheureuses de la nature qui s’essaye, j’ai trouvé la beauté pure, radieuse, sans tache, sans défaut, l’idéal réel, le rêve accompli, une forme que jamais peintre ni sculpteur n’ont pu traduire sur la toile ou dans le marbre : ― j’ai trouvé Nyssia !