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Telle était Nyssia, si l’on peut se servir de ces mots après une description si vague de sa figure. ― Si nos brumeux idiomes du Nord avaient cette chaude liberté, cet enthousiasme brûlant du Schir-hasch-Schirim, peut-être par des comparaisons, en suscitant dans l’esprit du lecteur des souvenirs de fleurs, de parfums, de musique et de soleil, en évoquant par la magie des mots tout ce que la création peut contenir d’images gracieuses et charmantes, nous eussions pu donner quelque idée de la physionomie de Nyssia ; ― mais il n’est permis qu’à Salomon de comparer le nez d’une belle femme à la tour du Liban qui regarde vers Damas. Et pourtant qu’y a-t-il de plus important au monde que le nez d’une belle femme ? Si Hélène, la blanche Tyndaride, eût été camarde, la guerre de Troie eût-elle eu lieu ? Et si Sem Rami n’avait eu le profil d’une régularité parfaite, eût-elle séduit le vieux monarque de Nin-Nevet, et ceint son front de la mitre de perles, signe du pouvoir suprême ?

Candaule, bien qu’il eût fait amener dans ses palais les plus belles esclaves de Sour, d’Ascalon, de Sogd, de Sakkes, de Ratsaf, les plus célèbres courtisanes d’Éphèse, de Pergame, de Smyrne et de Chypre, fut complètement fasciné par les charmes de Nyssia… Il n’avait pas même soupçonné jusque-là l’existence d’une pareille perfection.

Libre, en sa qualité d’époux, de se plonger dans la contemplation de cette beauté, il se sentit