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― Non, mais j’ai à mon service un esclave qui a jadis appartenu à Nyssia et qui m’en a fait cent récits.

― Est-il vrai, demanda d’un air enfantin une femme équivoque dont la tunique rose tendre, les joues fardées et les cheveux luisants d’essence annonçaient de malheureuses prétentions à une jeunesse dès longtemps disparue, est-il vrai que Nyssia ait deux prunelles dans chaque œil ? ― Cela doit être fort laid à ce qu’il me semble, et je ne sais pas comment Candaule a pu s’éprendre d’une pareille monstruosité, tandis qu’il ne manque pas à Sardes et dans la Lydie de femmes dont le regard est irréprochable ».

Et en disant ces mots avec toute sorte de mignardises et d’afféteries, Lamia jetait un petit coup d’œil significatif sur un petit miroir de métal fondu qu’elle tira de son sein et qui lui servit à ramener au devoir quelques boucles dérangées par l’impertinence du vent.

« Quant à ce qui est de la prunelle double, cela m’a tout l’air d’un conte de nourrice, dit le patricien bien informé ; mais il est sûr que Nyssia a le regard si perçant, qu’elle voit à travers les murs ; à côté d’elle, les lynx sont myopes.

― Comment un homme grave peut-il débiter de sang-froid une absurdité pareille ? interrompit un bourgeois à qui son crâne chauve et le flot de barbe blanche où il plongeait ses doigts tout en parlant, donnaient un aspect de prépondé-