Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de dieux horribles aux ailes écaillées, au bec crochu, aux griffes tranchantes, toujours prêts à vous dévorer et à vous saisir, si vous franchissez le seuil du temple et si vous levez le coin du voile !

« Sur les murs, sur les colonnes, sur les plafonds, sur les planchers, sur les palais et sur les temples, dans les couloirs et les puits les plus profonds des nécropoles, jusqu’aux entrailles de la terre, où la lumière n’arrive pas, où les flambeaux s’éteignent faute d’air, et partout, et toujours, d’interminables hiéroglyphes sculptés et peints racontant en langage inintelligible des choses que l’on ne sait plus et qui appartiennent sans doute à des créations disparues ; prodigieux travaux enfouis, où tout un peuple s’est usé à écrire l’épitaphe d’un roi ! Du mystère et du granit, voilà l’Égypte ; beau pays pour une jeune femme et une jeune reine !

« L’on ne voit que symboles menaçants et funèbres, des pedum, des tau, des globes allégoriques, des serpents enroulés, des balances où l’on pèse les âmes, ― l’inconnu, la mort, le néant ! Pour toute végétation des stèles bariolées de caractères bizarres ; pour allées d’arbres, des avenues d’obélisques de granit ; pour sol, d’immenses pavés de granit dont chaque montagne ne peut fournir qu’une seule dalle ; pour ciel, des plafonds de granit ; ― l’éternité palpable, un amer et perpétuel sarcasme contre la