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Ctésias, éperdu de tant de générosité, couvrit l’hétaire de baisers, résolut de rester avec elle et de ne revoir jamais Plangon ; mais il sentit bientôt qu’il n’aurait pas la force d’accomplir ce sacrifice, et, quoiqu’il se taxât intérieurement de la plus noire ingratitude, il partit, emportant la chaîne de Bacchide Samienne.

Dès qu’il eut mis le pied sur le Pirée, il prit deux porteurs, et, sans se donner le temps de changer de vêtement, il courut chez l’hétaire Plangon.

En le voyant, les esclaves scythes firent le geste de délier les chaînes de leurs chiens monstrueux ; mais Ctésias les apaisa en leur assurant qu’il apportait avec lui la fameuse chaîne d’or de Bacchide de Samos.

« Menez-moi à votre maîtresse, » dit Ctésias à une servante de Plangon.

La servante l’introduisit avec ses deux porteurs.

« Plangon, dit Ctésias du seuil de la porte en voyant que la Milésienne fronçait les sourcils, ne vous mettez pas en colère, ne faites pas le geste de me chasser ; j’ai rempli vos ordres, et je vous apporte la chaîne d’or de Bacchide Samienne. »

Il ouvrit le coffre et en tira avec effort la chaîne d’or, qui était prodigieusement longue et lourde. « Me ferez-vous encore manger par vos chiens et battre par vos Scythes, ingrate et cruelle Plangon ? »