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jours, je m’enivrais de sa présence adorée comme d’un nectar céleste ; elle m’aimait comme tu m’as aimé, Bacchide ; mais ce bonheur était trop grand pour durer. Les dieux furent jaloux de moi. Plangon m’a chassé de chez elle ; j’y suis revenu à plat ventre comme un chien, et elle m’a encore chassé. Plangon, la flamme de ma vie, mon âme, mon bien, Plangon me hait, Plangon m’exècre ; elle ferait passer les chevaux de son char sur mon corps couché en travers de sa porte. Ah je suis bien malheureux ! »

Ctésias, suffoqué par des sanglots, s’appuya contre l’épaule de Bacchide et se mit à pleurer amèrement.

« Ah ! ce n’est pas moi qui aurais jamais eu le courage de te faire tant de chagrin, dit Bacchide en mêlant ses larmes à celles de son ancien amant. Mais que puis-je pour toi, mon pauvre désolé, et qu’ai-je de commun avec cette affreuse Plangon ?

— Je ne sais, reprit l’enfant, qui lui a appris notre liaison ; mais elle l’a sue. Ce doit être cette venimeuse Archenassa, qui cache sous ses paroles mielleuses un fiel plus âcre que celui des vipères et des aspics. Cette nouvelle a jeté Plangon dans un tel accès de rage, qu’elle n’a plus voulu seulement m’adresser la parole ; elle est horriblement jalouse de toi, Bacchide, et t’en veut pour m’avoir aimé avant elle ; elle se croyait la première dans mon cœur, et son orgueil blessé