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Plangon changea de couleur, s’appuya sur le dos de sa chaise d’ivoire, et s’évanouit.

Les deux amies se retirèrent en riant, satisfaites d’avoir laissé tomber dans le bonheur de Plangon un caillou qui en troublait pour longtemps la claire surface.

Aux cris des femmes éplorées et qui se hâtaient autour de leur maîtresse, Ctésias rentra dans la chambre, et son étonnement fut grand de trouver évanouie une femme qu’il venait de laisser souriante et joyeuse ; il baigna ses tempes d’eau froide, lui frappa dans la paume des mains, lui brûla sous le nez une plume de faisan, et parvint enfin à lui faire ouvrir les yeux. Mais, aussitôt qu’elle l’aperçut, elle s’écria avec un geste de dégoût :

« Va-t’en, misérable, va-t’en, et que je ne te revoie jamais ! »

Ctésias, surpris au dernier point de si dures paroles, ne sachant à quoi les attribuer, se jeta à ses pieds et, tenant ses genoux embrassés, lui demanda en quoi il avait pu lui déplaire.

Plangon, dont le visage de pâle était devenu pourpre, et dont les lèvres tremblaient de colère, se dégagea de l’étreinte passionnée de son amant, et lui répéta la cruelle injonction.

Voyant que Ctésias, abîmé dans sa douleur, ne changeait pas de posture et restait affaissé sur ses genoux, elle fit approcher deux esclaves scythes, colosses à cheveux roux et à prunelles