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avec elle l’infidélité que vous eussiez commise avec d’autres, en prenant complétement le caractère, l’allure et le genre de beauté de la femme qui paraissait vous plaire. Elle me rendait mon amour au centuple, et c’est en vain que les jeunes patriciens et même les vieux du conseil des Dix lui firent les plus magnifiques propositions. Un Foscari alla même jusqu’à lui proposer de l’épouser ; elle refusa tout. Elle avait assez d’or ; elle ne voulait plus que de l’amour, un amour jeune, pur, éveillé par elle, et qui devait être le premier et le dernier. J’aurais été parfaitement heureux sans un maudit cauchemar qui revenait toutes les nuits, et où je me croyais un curé de village se macérant et faisant pénitence de mes excès du jour. Rassuré par l’habitude d’être avec elle, je ne songeais presque plus à la façon étrange dont j’avais fait connaissance avec Clarimonde. Cependant, ce qu’en avait dit l’abbé Sérapion me revenait quelquefois en mémoire et ne laissait pas que de me donner de l’inquiétude.

Depuis quelque temps la santé de Clarimonde n’était plus aussi bonne ; son teint s’amortissait de jour en jour. Les médecins qu’on fit venir n’entendaient rien à sa maladie, et ils ne savaient qu’y faire. Ils prescrivirent quelques remèdes insignifiants et ne revinrent plus. Cependant elle pâlissait à vue d’œil et devenait de plus en plus froide. Elle était presque aussi blanche