Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un fer rouge. C’était elle. — « Malheureux ! malheureux ! qu’as-tu fait ? » me dit-elle à voix basse ; puis elle disparut dans la foule.

Le vieil évêque passa ; il me regarda d’un air sévère. Je faisais la plus étrange contenance du monde ; je pâlissais, je rougissais, j’avais des éblouissements. Un de mes camarades eut pitié de moi, il me prit et m’emmena ; j’aurais été incapable de retrouver tout seul le chemin du séminaire. Au détour d’une rue, pendant que le jeune prêtre tournait la tête d’un autre côté, un page nègre, bizarrement vêtu, s’approcha de moi, et me remit, sans s’arrêter dans sa course, un petit portefeuille à coins d’or ciselés, en me faisant signe de le cacher ; je le fis glisser dans ma manche et l’y tins jusqu’à ce que je fusse seul dans ma cellule. Je fis sauter le fermoir, il n’y avait que deux feuilles avec ces mots : « Clarimonde, au palais Concini. » J’étais alors si peu au courant des choses de la vie, que je ne connaissais pas Clarimonde, malgré sa célébrité, et que j’ignorais complétement où était situé le palais Concini. Je fis mille conjectures, plus extravagantes les unes que les autres ; mais à la vérité, pourvu que je pusse la revoir, j’étais fort peu inquiet de ce qu’elle pouvait être, grande dame ou courtisane.

Cet amour né tout à l’heure s’était indestructiblement enraciné ; je ne songeai même pas à essayer de l’arracher, tant je sentais que c’était