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Les deux cousines se firent entendre à leur tour ; elles se surpassèrent. Le chant du rossignol semblait, auprès du leur, le gazouillement d’un passereau.

Le virtuose ailé tenta un dernier effort ; il chanta une romance d’amour, puis il exécuta une fanfare brillante qu’il couronna par une aigrette de notes hautes, vibrantes et aiguës, hors de la portée de toute voix humaine.

Les deux cousines, sans se laisser effrayer par ce tour de force, tournèrent le feuillet de leur livre de musique, et répliquèrent au rossignol de telle sorte que sainte Cécile, qui les écoutait du haut du ciel, en devint pâle de jalousie et laissa tomber sa contrebasse sur la terre.

Le rossignol essaya bien encore de chanter, mais cette lutte l’avait totalement épuisé : l’haleine lui manquait, ses plumes étaient hérissées, ses yeux se fermaient malgré lui ; il allait mourir.

« Vous chantez mieux que moi, dit-il aux deux cousines, et l’orgueil de vouloir vous surpasser me coûte la vie. Je vous demande une chose : j’ai un nid ; dans ce nid il y a trois petits ; c’est le troisième églantier dans la grande allée du côté de la pièce d’eau ; envoyez-les prendre, élevez-les et apprenez-leur à chanter comme vous, puisque je vais mourir. »

Ayant dit cela, le rossignol mourut. Les deux cousines le pleurèrent fort, car il avait bien chanté. Elles appelèrent Valentin, le petit page