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Tout heureux de ne plus avoir de pensums à faire, je trouvais que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Je croyais à une infinité de choses ; je croyais à la bergère de M. de Florian, aux moutons peignés et poudrés à blanc ; je ne doutais pas un instant du troupeau de Mme Deshoulières. Je pensais qu’il y avait effectivement neuf muses, comme l’affirmait l’Appendix de Diis et Heroïbus du père Jouvency. Mes souvenirs de Berquin et de Gessner me créaient un petit monde où tout était rose, bleu de ciel et vert pomme. Ô sainte innocence ! sancta simplicitas ! comme dit Méphistophélès.

Quand je me trouvai dans cette belle chambre, chambre à moi, à moi tout seul, je ressentis une joie à nulle autre seconde. J’inventoriai soigneusement jusqu’au moindre meuble ; je furetai dans tous les coins, et je l’explorai dans tous les sens. J’étais au quatrième ciel, heureux comme un roi ou deux. Après le souper (car on soupait chez mon oncle), charmante coutume qui s’est perdue, avec tant d’autres non moins charmantes que je regrette de tout ce que j’ai de cœur, je pris mon bougeoir et je me retirai, tant j’étais impatient de jouir de ma nouvelle demeure.

En me déshabillant, il me sembla que les yeux d’Omphale avaient remué ; je regardai plus attentivement, non sans un léger sentiment de frayeur, car la chambre était grande, et la faible