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allées, qu’on avait peine à reconnaître, tant il y avait longtemps que le râteau ne s’y était promené. Un ou deux poissons rouges flottaient plutôt qu’ils ne nageaient dans un bassin couvert de lentilles d’eau et de plantes de marais.

Mon oncle appelait cela son jardin.

Dans le jardin de mon oncle, outre toutes les belles choses que nous venons de décrire, il y avait un pavillon passablement maussade, auquel, sans doute par antiphrase, il avait donné le nom de Délices. Il était dans un état de dégradation complète. Les murs faisaient ventre ; de larges plaques de crépi s’étaient détachées et gisaient à terre entre les orties et la folle avoine ; une moisissure putride verdissait les assises inférieures ; les bois des volets et des portes avaient joué, et ne fermaient plus ou fort mal. Une espèce de gros pot à feu avec des effluves rayonnants formait la décoration de l’entrée principale ; car, au temps de Louis XV, temps de la construction des Délices, il y avait toujours, par précaution, deux entrées. Des oves, des chicorées et des volutes surchargeaient la corniche toute démantelée par l’infiltration des eaux pluviales. — Bref, c’était une fabrique assez lamentable à voir que les Délices de mon oncle le chevalier de ***.

Cette pauvre ruine d’hier, aussi délabrée que si elle eût eu mille ans, ruine de plâtre et non de pierre, toute ridée, toute gercée, couverte de