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gard d’un amant. — Gretchen ne s’expliquait pas ces façons d’agir, mais, comme elle était sûre de la loyauté de Tiburce, elle ne s’en alarmait pas autrement.

Tiburce, prétendant que le nom de Gretchen était difficile à prononcer, l’avait baptisée Madeleine, substitution qu’elle avait acceptée avec plaisir, sentant une secrète douceur à être appelée par son amant d’un nom mystérieux et différent, comme si elle était pour lui une autre femme. — Il faisait aussi de fréquentes visites à la cathédrale, irritant sa manie par d’impuissantes contemplations ; ces jours-là Gretchen portait la peine des rigueurs de la Madeleine : le réel payait pour l’idéal. — Il était maussade, ennuyé, ennuyeux, ce que la bonne créature attribuait à des maux de nerfs ou bien à des lectures trop prolongées.

Cependant Gretchen est une charmante fille qui vaut d’être aimée pour elle-même. Dans toutes les Flandres, le Brabant et le Hainaut, vous ne trouveriez pas une peau plus blanche et plus fraîche, et des cheveux d’un plus beau blond ; elle a une main potelée et fine à la fois, avec des ongles d’agate, une vraie main de princesse, et — perfection rare au pays de Rubens — un petit pied.

Ah ! Tiburce, Tiburce, qui voulez enfermer dans vos bras un idéal réel, et baiser votre chimère à la bouche, prenez garde, les chimères,