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les cheveux du dormeur éperdu d’amour ses jolis doigts effilés enluminés de carmin. Une draperie de brocart ramagé cachait fort adroitement la difformité de ses jambes squammeuses terminées en queue fourchue ; ses cheveux blonds étaient coiffés d’algues et de corail, comme il sied à une fille de la mer ; elle était adorable ainsi. Des groupes d’enfants joufflus et vermeils comme des roses nageaient dans une atmosphère lumineuse soutenant des guirlandes de fleurs d’un éclat insoutenable, et faisaient descendre du ciel une pluie parfumée. À un signe que fit la Néréide, les nymphes se mirent sur deux rangs et nouèrent ensemble le bout de leurs longues chevelures rousses, de façon à former une espèce de hamac en filigrane d’or pour l’heureux Tiburce et sa maîtresse à nageoires de poisson ; ils s’y placèrent en effet, et les nymphes les balançaient en remuant légèrement la tête sur un rythme d’une douceur infinie.

Tout à coup un bruit sec se fit entendre, les fils d’or se rompirent, Tiburce roula par terre. Il ouvrit les yeux, et ne vit qu’une horrible figure couleur de bronze qui fixait sur lui de grands yeux d’émail dont le blanc seul paraissait.

« Mein herr, voilà le déjeuner de vous, dit une vieille négresse hottentote, servante de l’hôtel, en posant sur un guéridon un plateau chargé de vaisselle et d’argenterie.