dormi toute la nuit ; la quiétude la plus parfaite à côté de l’agitation la plus fiévreuse ; une antithèse complète.
C’est ainsi que Fortunio menait une existence double et jouissait à la fois du luxe asiatique et du luxe parisien. Cette mystérieuse retraite était comme un nid de poésie, où il allait de temps en temps couver ses rêves ; là étaient ses seules amours, car il ne pouvait s’accommoder des façons européennes et du mélange perpétuel des sexes. Il était assez de l’avis du sultan Schariar : rien ne lui paraissait plus agréable que d’acheter une jeune fille vierge et de lui faire couper la tête après la première nuit ; avec cette méthode claire et simple, toute tromperie était prévenue. ― Il ne poussait pourtant pas ses précautions jalouses jusque-là, mais il lui était impossible d’éprouver de l’amour pour une femme qui aurait eu déjà quelque amant. ― À coup sûr, s’il se fût marié, il n’eût pas épousé une veuve. ― Musidora était la seule femme avec laquelle il eût prolongé une liaison aussi longtemps ; il avait cédé aux charmes pénétrants, à la coquetterie transcendante, et surtout à la passion vraie de la pauvre enfant ; cette flamme si chaude avait attiédi son cœur : il l’aimait ; cependant il était malheureux pour la première fois de sa vie. D’insupportables souvenirs lui traversaient l’âme de leurs glaives aigus, et jusqu’au milieu des plus doux baisers, d’affreuses amertumes lui mon-