Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assez confortable. ― Mais le fait est qu’elle n’a rien dit, et, en notre qualité de romancier fantastique, la vérité nous est trop sacrée pour que nous puissions nous permettre de supposer une seule phrase.

Ses yeux inondés de moites lueurs, sa gorge agitée, sa voix tremblante, ses pâleurs et ses rougeurs subites, expliquaient l’état de son âme beaucoup plus éloquemment que ne l’auraient pu faire les périodes les plus savantes. Et le baiser muet de Fortunio était, dans son genre, une réponse parfaite. Vous savez bien d’ailleurs que l’on ne parle que lorsqu’on n’a rien à dire. Peut-être trouvera-t-on que Musidora a cédé bien vite à Fortunio : ce n’est que la seconde fois qu’elle se trouve avec lui, et il n’a déjà plus rien à désirer.

Nous alléguerons pour excuse que la profession de Musidora n’était pas d’être vertueuse. Ensuite nous dirons, en manière apophtegme, que la passion est prodigue, et qu’aimer c’est donner.

Il y a beaucoup de femmes estimables, qui, la première quinzaine, accordent la main, et à la fin du premier mois, le pied ; ― au second, elles abandonnent la joue, et puis la bouche, et ainsi de suite. Leur personne est divisée en compartiments, qu’elles cèdent un à un, se ménageant et se détaillant pour faire durer un peu leurs frêles intrigues, persuadées apparemment que