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La chatte fit le gros dos en regardant sa maîtresse avec ses prunelles rondes, traversées par une pupille en forme d’I, et lui exprima son désir d’être caressée par un petit râle particulier aux chats et aux tigres.

Une idée diabolique vint à Musidora en caressant sa chatte : elle lui piqua la tête avec son aiguille.

Blanchette fit un bond, sauta sur le plancher, essaya deux ou trois fois de marcher, puis tomba comme prise de vertige ; ses flancs haletaient, sa queue battait faiblement le parquet ; ― un frisson courut sur son poil ; son œil s’illumina d’une lueur verte, puis s’éteignit. ― Elle était morte. Tout ceci dura à peine quelques secondes.

« C’est bien, dit Musidora, l’on ne doit pas beaucoup souffrir, » et elle approcha l’aiguille de son sein. Elle allait égratigner sa blanche peau quand le tonnerre sourd d’une voiture roulant au grand galop sous la voûte de la porte cochère parvint à son oreille et suspendit pour un moment l’exécution de son fatal projet !

Elle se leva et fut regarder à la fenêtre.

Une calèche, attelée de quatre chevaux gris pommelé, parfaitement semblables et si fins que l’on aurait dit des coursiers arabes de la race du prophète, faisait le tour de la cour sablée. Les postillons étaient en casaque vert tendre, aux couleurs de Musidora. ― Il n’y avait personne dans la calèche.