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« Je me piquerai le sein avec cette aiguille et tout sera dit ; ― ma mort aura quelque douceur puisqu’elle me viendra de Fortunio, » se dit-elle en tirant le petit dard d’une des capsules du portefeuille. Elle considéra attentivement la pointe aiguë, ternie par une espèce de sédiment rougeâtre, et la posa sur un guéridon à côte d’elle.

Puis elle se revêtit d’un peignoir de mousseline blanche, mit une rose de même couleur dans ses cheveux et s’étendit sur le sofa, après avoir préalablement écarté les plis de sa robe et fait saillir dehors sa gorge ronde et pure pour se piquer plus facilement.

Certes, Musidora avait bien la résolution de se tuer, mais nous devons avouer qu’elle mettait de la lenteur dans ses préparatifs, et que je ne sais quel vague et secret espoir la retenait encore.

« Je me piquerai à midi juste, » se dit-elle. ― Il était midi moins un quart. ― Explique qui voudra cet étrange caprice ; mais Musidora eût été assurément très affligée de mourir à onze heures trois quarts.

Pendant que le temps faisait tomber dans son tablier les grains du fatal quart d’heure, une réflexion se présenta à Musidora. Souffrait-on beaucoup pour mourir de ce poison ; laissait-il sur le corps des taches rouges ou noires ? ― Elle aurait bien voulu en voir les effets.

Au temps de Cléopâtre et dans le monde an-