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Il ne me reste plus qu’à mourir. Savoir que tu n’es pas un rêve et vivre, c’est une chose impossible. »

Musidora chercha dans sa tête mille moyens de suicide. ― Elle pensa d’abord à se jeter à l’eau ; mais la Seine était jaune et bourbeuse, puis l’idée d’être repêchée aux filets de Saint-Cloud et étalée toute nue sur une des dalles de la Morgue lui répugna singulièrement.

Elle inclina un moment à se brûler la cervelle ; mais elle n’avait pas de pistolet, et d’ailleurs aucune femme ne se soucie d’être défigurée, même après sa mort : il y a une certaine coquetterie funèbre ; on veut encore être un cadavre présentable.

Un coup de couteau dans le cœur lui souriait assez ; mais elle eut peur de reculer devant la morsure du fer et de n’avoir pas le poignet assez ferme. ― Elle voulait se tuer sérieusement et non se blesser d’une manière intéressante.

Elle s’arrêta définitivement à l’idée du poison.

Nous pouvons assurer nos lecteurs que la pensée inélégante et bourgeoise de s’asphyxier avec un réchaud de charbon allumé ne se présenta pas une minute à notre héroïne ; elle savait trop bien vivre pour mourir aussi mal.

Tout à coup un éclair lui passa par la cervelle l’aiguille de Fortunio lui revint en mémoire.