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mon moqueur jetant sur toutes choses son rire aigre et discordant ; une odieuse courtisane ressuscitant les orgies antiques, sans avoir même pour excuse les ardeurs de Messaline ? Ceux qui disent cela se trompent assurément.

Nous ne connaissons pas cette Musidora-là, et nous doutons qu’elle ait jamais existé. D’ailleurs, nous n’aurions pas voulu prendre pour notre héroïne une aussi abominable créature. Il ne faut pas non plus ajouter foi aux propos ; les hommes sont si méchants qu’ils ont bien trouvé moyen de calomnier Tibère et Néron.

La Musidora que nous connaissons est plus douce et plus blanche que le lait ; un agneau de quatre semaines n’a pas plus de candeur ; l’odeur des premières fraises a un parfum moins suave et moins printanier que le parfum de son âme fraîche éclose. Ses jeunes rêves errent innocemment sur des gazons d’un vert tendre au long des haies d’aubépine en fleurs. ― Tout son désir est d’habiter une humble maisonnette au bord d’une onde claire, et d’y vivre dans un éternel tête-à-tête avec le bien-aimé.

Quelle est la fille de quinze ans, toujours assise à l’ombre de la jupe maternelle, qui pourrait faire un souhait de bonheur plus chaste et plus simple ? — Un cœur tout sec, sans accompagnement de châles du Thibet vert émir, de chevaux soupe de lait, de bijoux de Provost et de première loge aux Bouffes.