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bonneau, que je ne suis pas Octave, mais le comte Olaf Labinski, puisque hier soir vous m’avez, ici même, volé ma peau au moyen de vos sorcelleries exotiques. »

À ces mots, le docteur partit d’un énorme éclat de rire, se renversa sur ses coussins, et se mit les poings au côté pour contenir les convulsions de sa gaieté.

« Modérez, docteur, cette joie intempestive dont vous pourriez vous repentir. Je parle sérieusement.

― Tant pis, tant pis ! cela prouve que l’anesthésie et l’hypocondrie pour laquelle je vous soignais se tournent en démence. Il faudra changer le régime, voilà tout.

― Je ne sais à quoi tient, docteur du diable, que je ne vous étrangle de mes mains, » cria le comte en s’avançant vers Cherbonneau.

Le docteur sourit de la menace du comte, qu’il toucha du bout d’une petite baguette d’acier. ― Olaf-de Saville reçut une commotion terrible et crut qu’il avait le bras cassé.

« Oh ! nous avons les moyens de réduire les malades lorsqu’ils se regimbent, dit-il en laissant tomber sur lui ce regard froid comme une douche, qui dompte les fous et fait s’aplatir les lions sur le ventre. Retournez chez vous, prenez un bain, cette surexcitation se calmera. »

Olaf-de Saville, étourdi par la secousse électrique, sortit de chez le docteur Cherbonneau