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seur dans une des siennes, les y maintint presque écrasées par l’étau de ses gros doigts courts, charnus et noueux comme ceux d’un tortionnaire du moyen âge.

« Voyons, du calme, disait le géant, assez bonasse au fond, qui ne redoutait plus rien de son adversaire et lui imprimait quelques saccades pour le tenir en respect. ― Y a-t-il du bon sens de se mettre dans des états pareils quand on est vêtu en homme du monde, et de venir ensuite comme un perturbateur faire des tapages nocturnes dans les maisons respectables ? On doit des égards au vin, et il doit être fameux celui qui vous a si bien grisé ! c’est pourquoi je ne vous assomme pas, et je me contenterai de vous poser délicatement dans la rue, où la patrouille vous ramassera si vous continuez vos esclandres ; ― un petit air de violon vous rafraîchira l’esprit.

― Infâmes, s’écria Olaf-de Saville en interpellant les laquais, vous laissez insulter par cette abjecte canaille votre maître, le noble comte Labinski ! »

À ce nom, la valetaille poussa d’un commun accord une immense huée ; un éclat de rire énorme, homérique, convulsif, souleva toutes ces poitrines chamarrées de galons : « Ce petit monsieur qui se croit le comte Labinski ! ha ! ha ! hi ! hi ! l’idée est bonne ! »

Une sueur glacée mouilla les tempes d’Olaf-