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des mots que j’ai retenus. L’esprit est tout, la matière n’existe qu’en apparence ; l’univers n’est peut-être qu’un rêve de Dieu ou qu’une irradiation du Verbe dans l’immensité. Je chiffonne à mon gré la guenille du corps, j’arrête ou je précipite la vie, je déplace les sens, je supprime l’espace, j’anéantis la douleur sans avoir besoin de chloroforme, d’éther ou de toute autre drogue anesthésique. Armé de la volonté, cette électricité intellectuelle, je vivifie ou je foudroie. Rien n’est plus opaque pour mes yeux ; mon regard traverse tout ; je vois distinctement les rayons de la pensée, et comme on projette les spectres solaires sur un écran, je peux les faire passer par mon prisme invisible et les forcer à se réfléchir sur la toile blanche de mon cerveau. Mais tout cela est peu de chose à côté des prodiges qu’accomplissent certains yoghis de l’Inde, arrivés au plus sublime degré d’ascétisme. Nous autres Européens, nous sommes trop légers, trop distraits, trop futiles, trop amoureux de notre prison d’argile pour y ouvrir de biens larges fenêtres sur l’éternité et sur l’infini. Cependant j’ai obtenu quelques résultats assez étranges, et vous allez en juger, » dit le docteur Balthazar Cherbonneau en faisant glisser sur leur tringle les anneaux d’une lourde portière qui masquait une sorte d’alcôve pratiquée dans le fond de la salle.

À la clarté d’une flamme d’esprit-de-vin qui