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pattes sur un piédestal et tenait une bougie dans ses griffes recourbées en bobèche.

La pente des degrés était douce ; les repos et les paliers bien distribués attestaient le génie du vieil architecte et la vie grandiose des siècles écoulés ; — en montant cette rampe admirable, vêtu de mon mince frac noir, je sentais que je faisais tache dans l’ensemble et que j’usurpais un droit qui n’était pas le mien ; l’escalier de service eût été assez bon pour moi.

Des tableaux, la plupart sans cadres, copies des chefs-d’œuvre de l’école italienne et de l’école espagnole, tapissaient les murs, et tout en haut, dans l’ombre, se dessinait vaguement un grand plafond mythologique peint à fresque.

J’arrivai à l’étage désigné.

Un tambour de velours d’Utrecht, écrasé et miroité, dont les galons jaunis et les clous bossués racontaient les longs services, me fit reconnaître la porte.

Je sonnai ; l’on m’ouvrit avec les précautions d’usage, et je me trouvai dans une grande salle éclairée à son extrémité par quelques lampes. En entrant là, on faisait un pas de deux siècles en arrière. Le temps, qui passe si vite, semblait n’avoir pas coulé sur cette maison, et, comme une pendule qu’on a oublié de remonter, son aiguille marquait toujours la même date.

Les murs, boisés de menuiseries peintes en blanc, étaient couverts à moitié de toiles rem-