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des autres doigts à la manière antique et lui donnait une attitude dégagée, une sveltesse de pied d’oiseau ; la plante, à peine rayée de quelques hachures invisibles, montrait qu’elle n’avait jamais touché la terre, et ne s’était trouvée en contact qu’avec les plus fines nattes de roseaux du Nil et les plus moelleux tapis de peaux de panthères.

« Ha ! ha ! vous voulez le pied de la princesse Hermonthis, dit le marchand avec un ricanement étrange, en fixant sur moi ses yeux de hibou ; ha ! ha ! ha ! pour un serre-papiers ! idée originale, idée d’artiste. Qui aurait dit au vieux Pharaon que le pied de sa fille adorée servirait de serre-papiers l’aurait bien surpris, lorsqu’il faisait creuser une montagne de granit pour y mettre le triple cercueil peint et doré, tout couvert d’hiéroglyphes avec de belles peintures du jugement des âmes, ajouta à demi-voix et comme se parlant à lui-même le petit marchand singulier.

— Combien me vendrez-vous ce fragment de momie ?

— Ah ! le plus cher que je pourrai, car c’est un morceau superbe ; si j’avais le pendant, vous ne l’auriez pas à moins de cinq cents francs : la fille d’un Pharaon, rien n’est plus rare.

— Assurément cela n’est pas commun ; mais enfin combien en voulez-vous ? D’abord je vous avertis d’une chose, c’est que je ne possède pour