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Or, la mère de Hanz n’avait pas cet espoir.

Pendant les derniers jours de la maladie de Hanz, tout en le veillant, la mère, machinalement, continuait à filer, et le bourdonnement du rouet se mêlait au râle du petit moribond.

Si des riches trouvent étrange qu’une mère file près du lit de mort de son enfant, c’est qu’ils ne savent pas ce que la pauvreté renferme de tortures pour l’âme ; hélas ! elle ne brise pas seulement le corps, elle brise aussi le cœur.

Ce qu’elle filait ainsi, c’était le fil pour le linceul de son petit Hanz ; elle ne voulait pas qu’une toile qui eût servi enveloppât ce cher corps, et comme elle n’avait pas d’argent, elle faisait ronfler son rouet avec une funèbre activité ; mais elle ne passait pas le fil sur sa lèvre comme d’habitude : il lui tombait assez de pleurs des yeux pour le mouiller.

À la fin du sixième jour, Hanz expira. Soit hasard, soit sympathie, la guirlande de liseron qui caressait son berceau languit, se fana, se dessécha, et laissa tomber sa dernière fleur crispée sur le lit.

Quand la mère fut bien convaincue que le souffle s’était envolé à tout jamais de ses lèvres où les violettes de la mort avaient remplacé les roses de la vie, elle recouvrit, avec le bord du drap, cette tête trop chère, prit son paquet de fil sous son bras, et se dirigea vers la maison du tisserand.