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pavillon, et brûlant d’amour pour l’image entrevue dans l’eau, refusa nettement. Son père, outré de colère, s’emporta et lui fit les menaces les plus violentes.

« Mauvais sujet, s’écriait le vieillard, si tu persistes dans ton entêtement, je prierai le magistrat qu’il te fasse enfermer dans cette forteresse occupée par les barbares d’Europe, d’où l’on ne découvre que des roches battues par la mer, des montagnes coiffées de nuages, et des eaux noires sillonnées par ces monstrueuses inventions des mauvais génies, qui marchent avec des roues et vomissent une fumée fétide. Là, tu auras le temps de réfléchir et de t’amender ! »

Ces menaces n’effrayèrent pas beaucoup Tchin-Sing, qui répondit qu’il accepterait la première épouse qu’on lui présenterait pourvu que ce ne fût pas celle-là.

Le lendemain, à la même heure, il se rendit au pavillon champêtre, et, comme la veille, se pencha en dehors de la balustrade.

Au bout de quelques minutes, il vit s’allonger sur l’eau le reflet de Ju-Kiouan comme un bouquet de fleurs submergées.

Le jeune homme posa la main sur son cœur, mit des baisers au bout de ses doigts et les envoya au reflet avec un geste plein de grâce et de passion.

Un sourire joyeux s’épanouit comme un bouton de grenade dans la transparence de l’eau et