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un pavillon, sur le bord d’une pièce d’eau commune aux deux propriétés : c’était un plaisir pour eux de s’envoyer du haut du balcon des salutations familières et de fumer la goutte d’opium enflammé sur le champignon de porcelaine en échangeant des bouffées bienveillantes ; mais, depuis leurs dissensions, ils avaient fait bâtir un mur qui séparait l’étang en deux portions égales ; seulement, comme la profondeur du bassin était grande, le mur s’appuyait sur des pilotis formant des espèces d’arcades basses, dont les baies laissaient passer les eaux sur lesquelles s’allongeaient les reflets du pavillon opposé.

Ces pavillons comptaient trois étages avec des terrasses en retraite. Les toits, retroussés et courbés aux angles en pointes de sabot, étaient couverts de tuiles rondes et brillantes semblables aux écailles qui papelonnent le ventre des carpes ; sur chaque arête se profilaient des dentelures en forme de feuillages et de dragons. Des piliers de vernis rouge, réunis par une frise découpée à jour, comme la feuille d’ivoire d’un éventail, soutenaient cette toiture élégante. Leurs fûts reposaient sur un petit mur bas, plaqué de carreaux de porcelaine disposés avec une agréable symétrie, et bordé d’un garde-fou d’un dessin bizarre, de manière à former devant le corps de logis une galerie ouverte.

Cette disposition se répétait à chaque étage,