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lez tout haut en rêvant ; il est vrai qu’on ne voit pas briller sur mon front l’escarboucle magique ou l’aigrette de plume de héron ; je ne marche pas accompagnée de soldats aux mousquets incrustés d’argent et de corail. Mais cependant je sais chanter, improviser sur la guzla, je danse comme Emineh elle-même, je suis pour vous comme une sœur dévouée ; que faut-il donc pour toucher votre cœur ? »

Mahmoud-Ben-Ahmed, en entendant ainsi parler Leila, sentait son cœur se troubler ; cependant il ne disait rien et semblait en proie à une profonde méditation. Deux résolutions contraires se disputaient son âme : d’une part, il lui en coûtait de renoncer à son rêve favori ; de l’autre, il se disait qu’il serait bien fou de s’attacher à une femme qui s’était jouée de lui et l’avait quitté avec des paroles railleuses, lorsqu’il avait dans sa maison, en jeunesse et en beauté, au moins l’équivalent de ce qu’il perdait.

Leila, comme attendant son arrêt, se tenait agenouillée, et deux larmes coulaient silencieusement sur la figure pâle de la pauvre enfant.

« Ah ! pourquoi le sabre de Mesrour n’a-t-il pas achevé ce qu’il avait commencé ! » dit-elle en portant la main à son cou frêle et blanc.

Touché de cet accent de douleur, Mahmoud-Ben-Ahmed releva la jeune esclave et déposa un baiser sur son front.

Leila redressa la tête comme une colombe