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d’un gracieux groupe de marbre, lui donnaient l’apparence d’un temple grec transporté là par le caprice d’un millionnaire, et corrigeaient, en éveillant une idée de poésie et d’art, tout ce que le luxe aurait pu avoir de trop fastueux ; dans les entre-colonnements, des stores rayés de larges bandes roses et presque toujours baissés abritaient et dessinaient les fenêtres, qui s’ouvraient de plain-pied sous le portique comme des portes de glace.

Lorsque le ciel fantasque de Paris daignait étendre un pan d’azur derrière ce palazzino, les lignes s’en dessinaient si heureusement entre les touffes de verdure, qu’on pouvait les prendre pour le pied-à-terre de la Reine des fées, ou pour un tableau de Baron agrandi.

De chaque côté de l’hôtel s’avançaient dans le jardin deux serres formant ailes, dont les parois de cristal se diamantaient au soleil entre leurs nervures dorées, et faisaient à une foule de plantes exotiques les plus rares et les plus précieuses l’illusion de leur climat natal.

Si quelque poète matineux eût passé avenue Gabriel aux premières rougeurs de l’aurore, il eût entendu le rossignol achever les derniers trilles de son nocturne, et vu le merle se promener en pantoufles jaunes dans l’allée du jardin comme un oiseau qui est chez lui ; mais la nuit, après que les roulements des voitures venant de l’Opéra se sont éteints au milieu du