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La troupe furibonde envahit la terrasse avec l’impétuosité d’un vol de démons. Leurs faces cuivrées ou noires à longues moustaches, ou hideusement imberbes, leurs yeux étincelants, leurs mains crispées agitant des damas et des kandjars, la fureur empreinte sur leurs physionomies basses et féroces, causèrent un mouvement d’effroi à Mahmoud-Ben-Ahmed, quoiqu’il fût brave de sa personne et habile au maniement des armes. Ils parcoururent de l’œil la terrasse vide, et n’y voyant pas la fugitive, ils pensèrent sans doute qu’elle avait franchi la seconde rue, et ils continuèrent leur poursuite sans faire autrement attention à Mahmoud-Ben-Ahmed.

Quand le cliquetis de leurs armes et le bruit de leurs babouches sur les dalles des terrasses se fut éteint dans l’éloignement, la fugitive commença à lever par-dessus les bords du vase sa jolie tête pâle, et promena autour d’elle des regards d’antilope effrayée ; puis elle sortit ses épaules et se mit debout, charmant pistil de cette grande fleur de marbre ; n’apercevant plus que Mahmoud-Ben-Ahmed qui lui souriait et lui faisait signe qu’elle n’avait rien à craindre, elle s’élança hors du vase et vint vers le jeune homme avec une attitude humble et des bras suppliants.

« Par grâce, par pitié, seigneur, sauvez-moi, cachez-moi dans le coin le plus obscur de votre