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dans un idiome quelconque, ce dont il s’agit, et quelle est la personne qui vient me relancer jusqu’au fond de ma paresse. »

Il faut vous dire qu’Adolfo-Francesco Pergialla-Abdallah-Ben-Mohammed, Abyssin de naissance, autrefois mahométan, chrétien pour le quart d’heure, savait toutes les langues et n’en parlait aucune intelligiblement ; il commençait en français, continuait en italien, et finissait en turc ou en arabe, surtout dans les conversations embarrassantes pour lui, lorsqu’il s’agissait de bouteilles de vin de Bordeaux, de liqueurs des îles ou de friandises disparues prématurément. Par bonheur, j’ai des amis polyglottes : nous le chassions d’abord de l’Europe ; après avoir épuisé l’italien, l’espagnol et l’allemand, il se sauvait à Constantinople, dans le turc, où Alfred le pourchassait vivement ; se voyant traqué, il sautait à Alger, où Eugène lui marchait sur les talons en le suivant à travers tous les dialectes de haut en bas arabe ; arrivé là, il se réfugiait dans le bambara, le galla et autres dialectes de l’intérieur de l’Afrique, où d’Abadie, Combes et Tamisier pouvaient seuls le forcer. Cette fois, il me répondit résolument en un espagnol médiocre, mais fort clair :

« Una mujer muy bonita con su hermana quien quiere hablar a usted.

― Fais-les entrer si elles sont jeunes et jolies ; autrement, dis que je suis en affaires. »