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et remis à une somnambule d’une grande puissance, d’évoquer l’ombre et la forme de cette morte ; mais le fluide conducteur s’était évaporé après tant d’années, et l’apparition n’avait pu sortir de la nuit éternelle.

Comme Fabio l’avait deviné devant la vitrine des Studj, l’empreinte recueillie dans la cave de la villa d’Arrius Diomèdes excitait chez Octavien des élans insensés vers un idéal rétrospectif ; il tentait de sortir du temps et de la vie, et de transposer son âme au siècle de Titus.

Max et Fabio se retirèrent dans leur chambre et, la tête un peu alourdie par les classiques fumées du falerne, ne tardèrent pas à s’endormir. Octavien, qui avait souvent laissé son verre plein devant lui, ne voulant pas troubler par une ivresse grossière l’ivresse poétique qui bouillonnait dans son cerveau, sentit à l’agitation de ses nerfs que le sommeil ne lui viendrait pas, et sortit de l’osteria à pas lents pour rafraîchir son front et calmer sa pensée à l’air de la nuit.

Ses pieds, sans qu’il en eût conscience, le portèrent à l’entrée par laquelle on pénètre dans la ville morte ; il déplaça la barre de bois qui la ferme et s’engagea au hasard dans les décombres.

La lune illuminait de sa lueur blanche les maisons pâles, divisant les rues en deux tranches de lumière argentée et d’ombre bleuâtre. Ce jour nocturne, avec ses teintes ménagées, dissimulait la dégradation des édifices. L’on ne re-