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en plus distincte ; les vagues, soulevées par un vent d’orage, se brisaient sur la rive avec des sanglots immenses, expression de douleurs inconnues, et gonflaient, sous les plis de l’écume, leurs poitrines désespérées ; des millions de larmes amères ruisselaient sur les roches, et les goélands inquiets poussaient des cris plaintifs.

Paul arriva bientôt au bord d’une roche qui surplombait. Le fracas des flots, la pluie salée que la rafale arrachait aux vagues et lui jetait au visage auraient dû l’avertir du danger ; il n’en tint aucun compte ; un sourire étrange crispa ses lèvres pâles, et il continua sa marche sinistre, quoique sentant le vide sous son pied suspendu.

Il tomba ; une vague monstrueuse le saisit, le tordit quelques instants dans sa volute et l’engloutit.

La tempête éclata alors avec furie : les lames assaillirent la plage en files pressées, comme des guerriers montant à l’assaut, et lançant à cinquante pieds en l’air des fumées d’écume ; les nuages noirs se lézardèrent comme des murailles d’enfer, laissant apercevoir par leurs fissures l’ardente fournaise des éclairs ; des lueurs sulfureuses, aveuglantes, illuminèrent l’étendue ; le sommet du Vésuve rougit, et un panache de vapeur sombre, que le vent rabattait, ondula au front du volcan. Les barques amarrées se choquèrent avec des bruits lugubres, et les cordages trop tendus se plaignirent douloureusement.