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par les jeunes gens, les stratagèmes qu’emploient les Valmont du café de Paris et les don Juan du Jockey-Club ; mais à l’exécution le cœur me manquait, et je regrettais de ne pas avoir, comme le Julien Sorel de Stendhal, un paquet d’épîtres progressives à copier pour les envoyer à la comtesse. Je me contentais d’aimer, me donnant tout entier sans rien demander en retour, sans espérance même lointaine, car mes rêves les plus audacieux osaient à peine effleurer de leurs lèvres le bout des doigts rosés de Prascovie. Au XVe siècle, le jeune novice le front sur les marches de l’autel, le chevalier agenouillé dans sa roide armure, ne devaient pas avoir pour la madone une adoration plus prosternée. »

M. Balthazar Cherbonneau avait écouté Octave avec une attention profonde, car pour lui le récit du jeune homme n’était pas seulement une histoire romanesque, et il se dit comme à lui-même pendant une pause du narrateur : « Oui, voilà bien le diagnostic de l’amour-passion, une maladie curieuse et que je n’ai rencontrée qu’une fois, ― à Chandernagor, ― chez une jeune paria éprise d’un brahme ; elle en mourut, la pauvre fille, mais c’était une sauvage ; vous, monsieur Octave, vous êtes un civilisé, et nous vous guérirons. » Sa parenthèse fermée, il fit signe de la main à M. de Saville de continuer ; et, reployant sa jambe sur la cuisse comme la patte articulée d’une sauterelle, de