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plus bleues qu’il ne faudrait, que sa voix a des sons d’harmonica d’une vibration inquiétante et d’un charme douloureux ? L’élément terrestre s’efface et laisse dominer l’élément angélique. Miss Alicia devient d’une perfection éthérée que, dussiez-vous me trouver matériel, je n’aime pas voir aux filles de ce globe. »

Ce que disait le comte répondait si bien aux préoccupations secrètes de sir Joshua Ward qu’il resta quelques minutes silencieux et comme perdu dans une rêverie profonde.

« Tout cela est vrai ; bien que parfois je cherche à me faire illusion, je ne puis en disconvenir.

— Je n’ai pas fini, dit le comte ; la santé de miss Alicia avant l’arrivée de M. d’Aspremont en Angleterre avait-elle fait naître des inquiétudes ?

— Jamais : c’était la plus fraîche et la plus rieuse enfant des trois royaumes.

— La présence de M. d’Aspremont coïncide, comme vous le voyez, avec les périodes maladives qui altèrent la précieuse santé de miss Ward. Je ne vous demande pas, à vous, homme du Nord, d’ajouter une foi implicite à une croyance, à un préjugé, à une superstition, si vous voulez, de nos contrées méridionales, mais convenez cependant que ces faits sont étranges et méritent toute votre attention…

— Alicia ne peut-elle être malade… naturel-