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— Mais à une condition, continua le comte Altavilla : c’est qu’elle ne voie plus M. Paul d’Aspremont.

— Ah ! voilà la jettature qui revient sur l’eau ! Par malheur, miss Ward n’y croit pas.

— Écoutez-moi, dit posément le comte Altavilla. — Lorsque j’ai rencontré pour la première fois miss Alicia au bal chez le prince de Syracuse et que j’ai conçu pour elle une passion aussi respectueuse qu’ardente, c’est de la santé étincelante, de la joie d’existence, de la fleur de vie qui éclataient dans toute sa personne que je fus d’abord frappé. Sa beauté en devenait lumineuse et nageait comme dans une atmosphère de bien-être. — Cette phosphorescence la faisait briller comme une étoile ; elle éteignait Anglaises, Russes, Italiennes, et je ne vis plus qu’elle. — À la distinction britannique elle joignait la grâce pure et forte des anciennes déesses ; excusez cette mythologie chez le descendant d’une colonie grecque.

— C’est vrai qu’elle était superbe ! Miss Edwina O’Herty, lady Eleonor Lilly, mistress Jane Strangford, la princesse Véra Fédorowna Bariatinski faillirent en avoir la jaunisse de dépit, dit le commodore enchanté.

— Et maintenant ne remarquez-vous pas que sa beauté a pris quelque chose de languissant, que ses traits s’atténuent en délicatesses morbides, que les veines de ses mains se dessinent