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chaque soir la Bible et l’Évangile, vous ne craignez pas d’accuser Paul de jettature ! Oh ! je n’attendais pas cela de vous !

— Ma chère Alicia, répondit le commodore, je suis peut-être tout ce que vous dites là lorsqu’il ne s’agit pas de vous, mais lorsqu’un danger, même imaginaire, vous menace, je deviens plus superstitieux qu’un paysan des Abruzzes, qu’un lazzarone du Môle, qu’un ostricajo de Chiaja, qu’une servante de la Terre de Labour ou même qu’un comte napolitain. Paul peut bien me dévisager tant qu’il voudra avec ses yeux dont le rayon visuel se croise, je resterai aussi calme que devant la pointe d’une épée ou le canon d’un pistolet. Le fascino ne mordra pas sur ma peau tannée, hâlée et rougie par tous les soleils de l’univers. Je ne suis crédule que pour vous, chère nièce, et j’avoue que je sens une sueur froide me baigner les tempes quand le regard de ce malheureux garçon se pose sur vous. Il n’a pas d’intentions mauvaises, je le sais, et il vous aime plus que sa vie ; mais il me semble que, sous cette influence, vos traits s’altèrent, vos couleurs disparaissent, et que vous tâchez de dissimuler une souffrance aiguë ; et alors il me prend de furieuses envies de lui crever les yeux, à votre M. Paul d’Aspremont, avec la pointe des cornes données par Altavilla.

— Pauvre cher oncle, dit Alicia attendrie par la chaleureuse explosion du commandeur ; nos