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dans le goût de Cimarosa, sur des paroles de Métastase, et que nous ne saurions mieux définir qu’en la comparant à un papillon traversant à plusieurs reprises un rayon de soleil.

La musique a le pouvoir de chasser les mauvais esprits : au bout de quelques phrases, Paul ne pensait plus aux doigts conjurateurs, aux cornes magiques, aux amulettes de corail ; il avait oublié le terrible bouquin du signor Valetta et toutes les rêveries de la jettatura. Son âme montait gaiement, avec la voix d’Alicia, dans un air pur et lumineux.

Les cigales faisaient silence comme pour écouter, et la brise de mer qui venait de se lever emportait les notes avec les pétales des fleurs tombés des vases sur le rebord de la terrasse.

« Mon oncle dort comme les sept dormants dans leur grotte. S’il n’était pas coutumier du fait, il y aurait de quoi froisser notre amour-propre de virtuoses, dit Alicia en refermant le cahier. Pendant qu’il repose, voulez-vous faire un tour de jardin avec moi, Paul ? je ne vous ai pas encore montré mon paradis. »

Et elle prit à un clou planté dans l’une des colonnes, où il était suspendu par des brides, un large chapeau de paille de Florence.

Alicia professait en fait d’horticulture les principes les plus bizarres ; elle ne voulait pas qu’on cueillît les fleurs ni qu’on taillât les branches ; et ce qui l’avait charmée dans la villa, c’était,