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ombrelle frangée de soie blanche. L’ombrelle se referma et l’on vit resplendir une femme d’une beauté incomparable. J’étais à cheval et je pus m’approcher assez pour ne perdre aucun détail de ce chef-d’œuvre humain. L’étrangère portait une robe de ce vert d’eau glacé d’argent qui fait paraître noire comme une taupe toute femme dont le teint n’est pas irréprochable, ― une insolence de blonde sûre d’elle-même. ― Un grand crêpe de Chine blanc, tout bossué de broderies de la même couleur, l’enveloppait de sa draperie souple et fripée à petits plis, comme une tunique de Phidias. Le visage avait pour auréole un chapeau de la plus fine paille de Florence, fleuri de myosotis et de délicates plantes aquatiques aux étroites feuilles glauques ; pour tout bijou, un lézard d’or constellé de turquoises cerclait le bras qui tenait le manche d’ivoire de l’ombrelle.

« Pardonnez, cher docteur, cette description de journal de mode à un amant pour qui ces menus souvenirs prennent une importance énorme. D’épais bandeaux blonds crespelés, dont les annelures formaient comme des vagues de lumière, descendaient en nappes opulentes des deux côtés de son front plus blanc et plus pur que la neige vierge tombée dans la nuit sur le plus haut sommet d’une Alpe ; des cils longs et déliés comme ces fils d’or que les miniaturistes du moyen âge font rayonner autour des têtes