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paratonnerre, et pourtant la foudre est soutirée ! Qu’y a-t-il d’absurde à supposer qu’il se dégage de ce disque noir, bleu ou gris, un rayon propice ou fatal ? Pourquoi cet effluve ne serait-il pas heureux ou malheureux d’après le mode d’émission et l’angle sous lequel l’objet la reçoit ?

— Il me semble, dit le commodore, que la théorie du comte a quelque chose de spécieux ; je n’ai jamais pu, moi, regarder les yeux d’or d’un crapaud sans me sentir à l’estomac une chaleur intolérable, comme si j’avais pris de l’émétique ; et pourtant le pauvre reptile avait plus de raison de craindre que moi qui pouvais l’écraser d’un coup de talon.

— Ah ! mon oncle ! si vous vous mettez avec M. d’Altavilla, fit miss Ward, je vais être battue. Je ne suis pas de force à lutter. Quoique j’eusse peut-être bien des choses à objecter contre cette électricité oculaire dont aucun physicien n’a parlé, je veux bien admettre son existence pour un instant, mais quelle efficacité peuvent avoir pour se préserver de leurs funestes effets les immenses cornes dont vous m’avez gratifiée ?

— De même que le paratonnerre avec sa pointe soutire la foudre, répondit Altavilla, ainsi les pitons aigus de ces cornes sur lesquelles se fixe le regard du jettatore détournent le fluide malfaisant et le dépouillent de sa dangereuse électricité. Les doigts tendus en avant et les amulettes de corail rendent le même service.